Elsa


photo : Louis Aragon et Elsa Triolet

Tandis que je parlais le langage des vers
Elle s’est doucement tendrement endormie
Comme une maison d’ombre au creux de notre vie
Une lampe baissée au coeur des myrtes verts

Sa joue a retrouvé le printemps du repos
O corps sans poids pose dans un songe de toile
Ciel formé de ses yeux à l’heure des étoiles
Un jeune sang l’habite au couvert de sa peau

La voila qui reprend le versant de ses fables
Dieu sait obéissant à quels lointains signaux
Et c’est toujours le bal la neige les traîneaux
Elle a rejoint la nuit dans ses bras adorables

Je vois sa main bouger Sa bouche Et je me dis
Qu’elle reste pareille aux marches du silence
Qui m’échappe pourtant de toute son enfance
Dans ce pays secret à mes pas interdit

Je te supplie amour au nom de nous ensemble
De ma suppliciante et folle jalousie
Ne t’en va pas trop loin sur la pente choisie
Je suis auprès de toi comme un saule qui tremble

J’ai peur éperdument du sommeil de tes yeux
Je me ronge le coeur de ce coeur que j’écoute
Amour arrête-toi dans ton rêve et ta route
Rends-moi ta conscience et mon mal merveilleux

Louis Aragon

Une voix


Ecoute-moi revivre dans ces forêts
Sous les frondaisons de mémoire
Où je passe verte,
Sourire calciné d’anciennes plantes sur la terre,
Race charbonneuse du jour.

Ecoute-moi revivre, je te conduis
Au jardin de présence,
L’abandonné au soir et que les ombres couvrent,
L’habitable pour toi dans le nouvel amour.

Hier régnant désert, j’étais feuille sauvage
Et libre de mourir,
Mais le temps mûrissait, plainte noire des combes,
La blessure de l’eau , dans les pierres du jour.

Yves Bonnefoy

Les pieds nus de ma poésie


Les pieds nus de ma poésie
Ont peu de poids
Cherche la trace de ses pas
Sur cette eau tranquille
Comme un visage éclairé

Toute puissance agenouillée
Chanson matinale

Il brille
Une étoile toute nouvelle
Et la chanson la plus belle
Est celle que j’ai chantée
Pour accepter ces minutes
Où mon bonheur se décide

Où toute chose s’arrête

A la merci d’un beau vers

Odilon-Jean PÉRIER (1901-1928)

L’appel du large


 

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers.

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, cœurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Amer savoir, celui qu’on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd’hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image :
Une oasis d’horreur dans un désert d’ennui !

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal

Il aimait la mort, elle aimait la vie


Aujourd’hui j’aimerais vous parler de Pascal alias NeVeR et de ce qui lui est arrivé. Il a écrit un magnifique poème partant d’une phrase de William Shakespeare (de Roméo et Juliette si je ne fais erreur) … Cette petite phrase la voici :

 »Il aimait la mort, elle aimait la vie,
Il vivait pour elle, elle est morte pour lui »

Il a publié son poème sur un site de poèmes. Son poème, qui a plu à beaucoup de monde, s’est retrouvé un peu partout sur des blogs… Mais très souvent son nom n’apparaît nulle part, soit parce que la personne se l’est tout simplement attribué, soit parce qu’il est inscrit : de William Shakespeare…

Il aimait la mort et ses ombres promesses,
Avenir incertain d’un garçon en détresse,
Il voulait mourir, laisser partir sa peine,
Oublier tous ces jours à la même rengaine…

Elle aimait la vie, heureuse d’exister,
Voulait aider les gens et puis grandir en paix,
C’était un don du ciel, toujours souriante
Fleurs et nature, qu’il pleuve ou qu’il vente

Mais un beau jour la chute commença,
Ils tombèrent amoureux, mauvais choix,
Elle aimait la vie et il aimait la mort
Qui d’entre les deux allait être plus fort ?

Ils s’aimaient tellement, ils auraient tout sacrifié,
Amis et famille, capables de tout renier
Tout donner pour s’aimer tel était leur or,
Mais elle aimait la vie et il aimait la mort…

Si différents et pourtant plus proches que tout,
Se comprenant pour protéger un amour fou,
L’un ne rêvait que de mourir et s’envoler,
L’autre d’une vie avec lui, loin des atrocités…

Fin de l’histoire: obligés de se séparer,
Ils s’étaient promis leur éternelle fidélité
Aujourd’hui, le garçon torturé vit pour elle
Puisque la fille, pour lui a rendu ses ailes…

Il aimait la mort, elle aimait la vie
Il vivait pour elle, elle est morte pour lui…

NeVeR

 

L’isolement -extrait


De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l’immense étendue,
Et je dis : « Nulle part le bonheur ne m’attend. »

Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.

Que le tour du soleil ou commence ou s’achève,
D’un œil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève,
Qu’importe le soleil ? je n’attends rien des jours.

Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts ;
Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire,
Je ne demande rien à l’immense univers.

Alphonse de Lamartine

Se voir le plus possible.


 

Se voir le plus possible et s’aimer seulement,
Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,
Sans qu’un désir nous trompe, ou qu’un remords nous ronge,
Vivre à deux et donner son coeur à tout moment ;

Respecter sa pensée aussi loin qu’on y plonge,
Faire de son amour un jour au lieu d’un songe,
Et dans cette clarté respirer librement –
Ainsi respirait Laure et chantait son amant.

Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,
C’est vous, la tête en fleurs, qu’on croirait sans souci,
C’est vous qui me disiez qu’il faut aimer ainsi.

Et c’est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,
Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci :
Oui, l’on vit autrement, mais c’est ainsi qu’on aime.

Alfred de Musset

Madrigal


Si c’est aimer, Madame, et de jour et de nuit
Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,
Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
Qu’adorer et servir la beauté qui me nuit :

Si c’est aimer de suivre un bonheur qui me fuit,
De me perdre moi-même, et d’être solitaire,
Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre, et me taire
Pleurer, crier merci, et m’en voir éconduit :

Si c’est aimer de vivre en vous plus qu’en moi-même,
Cacher d’un front joyeux une langueur extrême,
Sentir au fond de l’âme un combat inégal,
Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :

Honteux, parlant à vous, de confesser mon mal !
Si cela c’est aimer, furieux, je vous aime :
Je vous aime, et sais bien que mon mal est fatal :
Le cœur le dit assez, mais la langue est muette.

Pierre de Ronsard

Tes yeux clairs …


Tes yeux clairs et si pleins de bonté
Entrèrent dans ma vie
Et je n’ai plus envie
D’autre clarté !

Des femmes ont passé devant moi
A tous les pas du chemin de la terre,
Mais aucun de leurs yeux ne m’ont jeté l’émoi
Comme les tiens où dort quelque mystère.

Ma jeunesse était sombre et pleine de soucis.
Le coeur a tant d’éclaboussures
Personne n’a voulu me regarder ainsi
Que tu l’as fait, un soir de tendresse si sûre.

Tu te souviens, depuis, du fier jardin
Qui s’embaumait de tant de roses.
Jetant au vent l’impassible dédain,
Comme savent souvent en posséder les choses.

Le sais-tu bien que j’ai pleuré.
Puisque les fleurs buvaient de la rosée ;
Il n’est plus mal d’avoir pleuré,
Puisque l’heure est passée?

Et pourquoi donc! Sinon que tes yeux que j’aimais
Avaient tant de beauté,
Que, maintenant, je puis ne plus les voir jamais,
Puisque j’ai dans mon coeur enfermé leur clarté!

Edouard CHAUVIN

Mon âme a son secret, …


 

Mon âme a son secret, ma vie a son mystère
Un amour éternel en un moment conçu :
Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire,
Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.

Hélas! j’aurai passé près d’elle inaperçu,
Toujours à ses côtés et pourtant solitaire ;
Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terre,
N’osant rien demander et n’ayant rien reçu.

Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre,
Elle suit son chemin, distraite et sans entendre
Ce murmure d’amour élevé sur ses pas.

A l’austère devoir pieusement fidèle,
Elle dira, lisant ces vers tout remplis d’elle :
"Quelle est donc cette femme ?" Et ne comprendra pas.

Félix Arvers

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