Les Siamoises de Belleville (fin)


« Mais ? Que se passe-t-il ? Tu préfères Cora finalement ? Tu aimes la contradiction ? Tu fais ton rebelle ? lui demanda Line, provocatrice et un peu agacée par ce retournement de situation. 

– C’est que… Non, ce n’est pas ça, répondit Edgar sur un ton léger. Non je ne fais pas mon rebelle contradicteur ! Ce sont plutôt les minettes qui sont comme ça ! dit-il avec un clin d’œil complice.  

Ce que je disais à Cora, c’est que j’ai besoin de vous deux ensemble, pas être avec l’une sans l’autre. Vous m’êtes un tout, délicieuses dans vos besoins d’aventures folles.  

Vous êtes pour moi la Vie, avec un V majuscule.  

J’aime ce que vous faites, ce que vous ne faites pas. J’aime quand vous partez dans vos délires et que vous en revenez soucieuses ou heureuses.  

J’aime tout de vous. Et je voudrais être avec vous, vous protéger des mauvaises rencontres, même si je sais que vous êtes fort capables de vous défendre seules.  

Je voudrais vous apporter mon aide quand vous en avez besoin et je voudrais que vous m’apportiez ce petit grain de folie que vous mettez partout où vous passez, que vous m’appreniez à être aussi vivant que vous. En fait, je crois que je me suis mépris… » 

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Cora et Line se regardèrent. Elles se demandaient où Edgar voulait en venir. Elles avaient pourtant été bien claires : il ne pouvait pas avoir les deux sœurs ! Et en quoi  s’était-il  mépris?  Il les aimait, ok !  Compris. C’était acté, alors pourquoi ce grand discours ? Elles s’en étaient irritées presque : allait-il continuer à jouer encore longtemps les perroquets comme ça ? 

 

Un mouvement furtif attira alors l’attention des jumelles. Sur le rebord de la palissade, quelqu’un s’était installé pour mieux assister à la scène. Pire, ce siamois voyeur souriait, toutes canines déployées ! 

C’était Saphir, The Chat of The Quartier, the Caïd, the Big Boss ! Attirer l’attention de ce grand Seigneur pouvait tout aussi bien apporter de grandes satisfactions qu’ annoncer un bien grand malheur. Et là, il était tout bonnement en train de rire silencieusement, se frottant le ventre de la patte, toutes moustaches en bataille ! 

Edgar prit soudain conscience que les minettes n’étaient plus guère attentives à ses propos. Il regarda ce qui les intriguait : « Oh non, pensa-t-il, Saphir ! Lui ici ! Ce n’est pas possible, il va tout faire rater ! C’était déjà bien assez compliqué ainsi… » 

 

Il se redressa, bien décidé à montrer qu’il était un matou digne de ce nom, contrairement à ce chat de basse-cour, ce m’as-tou vu  tout juste bon à picorer les miettes des autres. 

Instantanément Saphir arrêta de rire et le regarda avec intensité et autorité. Il sauta souplement et arriva très vite aux pieds des demoiselles qu’il salua,  une frisette de sourire dans l’œil. Son salut fut apprécié des minettes qui minaudèrent en lui rendant  force d’œillades prometteuses. 

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 Puis il se planta de toute sa hauteur devant Edgar :  

« Chalut ! J’peux savoir pourquoi tu traînes ici ? On t’a jamais dit qu’ici, ch’est chez moi ? 

– Enchanté de même, répondit Edgar. 

– Je vais être sympa avec toi car je suis dans un jour de grande bonté, ajouta Saphir avec un clin d’œil en direction de Line et de Cora. T’as 30 secondes pour déguerpir et j’ferais comme si t’avais jamais existé… 

– Pardonnez-moi, mais il me semble que vous n’étiez pas invité à notre discussion et… 

– Et rien du tout, Matou de rien du tout ! J’ai tout entendu et je peux te dire que ces belles demoiselles en ont assez de voir ton  minois de chat battu ! Il te reste 17 secondes… 16… 15…  » 

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Ignorant totalement Edgar, la sensuelle Line et la douce Cora s’approchèrent de Saphir et l’encadrèrent. De battements de cils en sourires enjôleurs, elles tournèrent le dos à Edgar entraînant avec elles le caïd de la cité.  

 

« Laisse tomber ce débile, minauda Cora : il fait rien que d’jacasser, de pipeauter et de changer d’avis comme de coussinets ! Dis-nous plutôt depuis quand t’es arrivé en ville ! T’avais disparu, on s’inquiétait ! » 

 

Edgar, estomaqué, en perdit tout miaulement. 

Line se retourna, le temps de lui lancer un regard appuyé et moqueur qui en disait long sur ce qu’elle pensait de lui.  Cora lui tourna ostensiblement le dos et sa queue fouetta l’air nerveusement. Saphir jubilait.

Edgar piqua du nez. Son orgueil était brisé. ses rêves aussi. Il n’avait plus qu’à trouver une sortie digne pour préserver son honneur. Saphir ne lui en donna pas même le temps. avant la fin du décompte, il bondit en sa direction pour lui sauter sur le paletot et prouver aux minettes qu’il était fort, beau et qu’il sentait le sable chaud de Belleville.

Edgar  battit en retraite sans demander son reste. Seule consolation pour lui : dans son élan, Saphir ne put éviter un réverbère qui le sonna un bon moment. Les minettes en profitèrent pour jouer les infirmières.

Edgar, philosophe, partit de son côté, cow boy solitaire, en méditant sur la versatilité de la gent féminine et à cette devise que François 1er, fin connaisseur, avait fait graver sur toutes les fenêtres du château de Chenonceau: « Souvent femme varie, fol qui s’y fie ».

 

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Les Siamoises de Belleville


images-3Un peu intrigué mais toujours sur ses gardes, Edgar s’approcha. Line cherchait quelque chose dans le gravier. Elle mit de côté un caillou blanc puis un autre noir.
Cora lui expliqua doucement ce qu’ils allaient faire pendant que Line mélangeait et cachait les deux cailloux sous une feuille morte, loin des yeux d’Edgar et de sa sœur.

 

« Voilà, quand on n’est pas d’accord, Line et moi, on s’en remet au destin.
– Mais ? Pourquoi s’en remettre au destin ? Vous me dites oui ou vous me dites non, et l’affaire est conclue, ou pas !
– Commence pas à crier comme un chat qu’on écorche, steuplait, c’est pas le moment ! parla fermement Line. C’est prêt, rajouta-t-elle à l’attention de sa sœur.
– La seule chose que tu aies à faire, c’est de me dire quelle feuille tu choisis. Pour ton info, tu tires le noir, c’est Line, le blanc, c’est moi. »
Et dans un bel ensemble bien synchronisé, Line et Cora poussèrent un « Vogue la galère » en se tapant la patte droite puis se tournèrent vers Edgar pour attendre son choix, et donc le verdict de leur destinée.

Edgar fut troublé en entendant les deux minettes. Mais il obtempéra tout en se disant que rien n’était joué quoiqu’il arrive. Il tendit sa patte gauche vers la feuille dorée. Cora vint la soulever et découvrit un beau caillou tout noir. Le sort était jeté, le verdict tombé : c’était Line qui avait gagné !

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 Cora en fut toute dépitée : c’est qu’elle n’aimait pas perdre. Mais elle fit contre mauvaise fortune bon cœur. Elle les laissa en tête à tête, histoire qu’ils fassent un peu plus ample connaissance en toute intimité. Line de son côté affichait un sourire victorieux.  

 

Tout cela laissait un goût amer à Edgar qui se sentait particulièrement mal à l’aise. Il avait à la fois la sensation d’avoir été utilisé par les jumelles et le sentiment de ne pas avoir été compris, ou en tout cas, pas bien entendu. De plus, voir la belle Cora partir de cette manière-là l’avait touché particulièrement, sans qu’il n’arrive à savoir davantage ce qu’il ressentait exactement. Il avait l’esprit un peu embrumé, à cause de toutes ces émotions qui l’avaient traversé. 

 

Cora marchait d’un pas lent et triste, la queue en balancier à chaque mouvement. Oui, Edgar en était tout peiné. Sans réfléchir, il lui courut après et l’interpella tendrement : 

 « Cora ? S’il vous plait, ne partez point, pas de cette façon-ci. Je ne peux pas… Je ne veux pas… 

– ça ne sert à rien de lutter contre le destin. C’était écrit et c’est toi qui a choisi, c’est comme ça ! 

– Ce n’est pas ça que je voulais. Pour moi, c’est impensable de vous choisir l’une plus que l’autre. J’ai besoin autant de vous que de votre sœur… 

– S’il te plait, commence d’abord par nous tutoyer ! Manifestement, on va passer un peu de temps ensemble, non ? Et puis va donc rejoindre Linette qui t’attend ! 

– Viens, nous y allons ensemble. Je crois que… Il me semble qu’il faut vraiment que je vous parle, à toutes les deux ! » 

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Edgar se colla avec tendresse à Cora pour la pousser vers sa sœur. Line était toute étonnée : avait-il fait son choix finalement ? Cora plutôt que Line ? 

Mais dans la tête d’Edgar venait de se passer un déclic. Oui, il aimait ses siamoises, plus que jamais, avec beaucoup de tendresse et d’affection. Et c’était avec elles deux qu’il voulait être ! De ça, il n’avait aucun doute. Mais…

à suivre

auteurs : Maître Renard et Mariessourire

Vous pouvez retrouver Maître Renard sur son blog

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Les Siamoises de Belleville (suite…)


Edgar en était là dans ses pensées quand Line dit à sa jumelle :  

« Bon, ok, il nous aime toutes les deux. Et tu l’as chouffé la première, d’accord… 

– Eh oui, toutes les deux. T’as vu le temps que ça lui a pris pour nous le dire ? 

– Ouais… J’sais pas trop c’qu’on peut faire de lui, là ? 

– Ouais… C’est la dèche ! Tiens, ça me fait penser à Gudule, tu t’rappelles de ce marteau ? Ce qu’on a pu rigoler !! Il s’était maqué avec Acacia et Pimprenelle, en même temps, mais elles n’étaient pas au courant… Le foin que ça a fait ! » 

Elles parlaient librement devant Edgar, semblant oublier sa présence. Il se demandait s’il n’était pas en train de devenir fou. Pire que l’enfer… Pire que le plus cauchemardesque des cauchemars, les siamoises de Belleville…  

Son cœur battait sur un rythme fou, saccadé. Edgar n’arrivait pas à rassembler ses idées.  Et elles, après s’être battues, elles papotaient comme si rien ne s’était passé… et surtout comme s’il n’était pas là, comme s’il n’avait pas montré son âme et son cœur à ces demoiselles très loin d’être en détresse. 

Un « boloss» comme elles disaient, voilà ce qu’il était…  

Désespéré, il fit mine de partir mais se ravisant, il se retourna et les regarda comme s’il ne devait plus jamais les voir. 

Aussitôt Line leva la patte en direction d’Edgar qui s’immobilisa. 

« Où tu vas comme ça ? On n’en a pas fini avec toi ! lui dit-elle. 

– Moi ? Où vais-je ? Mais je rentre Miss, j’ai bien compris que vous continuez de vous gausser de ma personne. Allons, soyons sérieux, j’ai eu tort de me confier à vous. Je ne fais que semer pagaille et dispute entre vous. Oubliez donc tout ce que je vous ai dit. Cela est bien mieux ainsi… 

– Non, rétorqua Cora. On n’oublie rien ! 

– Et toi tu restes là ! » rajouta Line un brin mystérieuse.

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Edgar en resta les yeux ronds comme ceux des hiboux, les pattes sciées, le souffle coupé. Mais qu’avaient-elles donc dans la tête ? Voulaient-elles lui faire perdre la tête ? Il se sentait complètement perdu. Ses clignotants internes étaient passés au rouge vif, lui demandant de reprendre le cours des choses de façon normale. Il avait bien eu tort de leur parler à cœur ouvert, s’étant mis dans une position très délicate. Mais il y avait pire encore.

Sa réaction primitive quand Line était venue l’effleurer toute en sensualité l’avait surpris. En temps normal, il aurait sauté sur l’occasion, ne laissant aucune chance à la minette de sortir de ses griffes. Et là, il s’était écarté, gêné par ce qu’elle lui offrait… Que lui arrivait-il ? Pourquoi rien ne se passait comme prévu ?

Les siamoises l’empêchèrent d’aller plus loin dans sa réflexion. Elles avaient la tête de chats comploteurs dans l’ombre, leur tête des mauvais coups. Elles chuchotaient entre elles. Edgar tendit ses oreilles pointues en leur direction mais il ne réussit qu’à entendre des chuintements. Il fallait qu’il parte maintenant, et la tête haute lui !

« Mes beautés, je vois bien que je vous ai contrariées. Je vais vous laisser à présent. Permettez-moi de vous présenter mes hommages et de partir loin de votre vue. Il me semble que c’est la seule option envisageable avant que d’autres paroles malheureuses ne fussent prononcées entre vous et moi…
– Non, chat n’va pas être possible ! lui répondit Line, dans un battement de cils. On a pris une décision, moi et Cora. Et ne reste pas planté là comme un é-chat-las, viens donc ici !
– Permettez-moi de vous opposer un refus, Miss, je n’irais pas plus loin dans votre direction.
– C’est pas c’que t’imagines, on va pas te sauter dessus, m’enfin ! Non, au contraire : nous, on a un code d’honneur : c’est la première qui le voit qui l’a ! On s’est toujours dit qu’on ne sortirait jamais avec le même matou, question de principe entre nous, tu vois ?
– Magnifique ! Serai-je un objet à vos yeux ? Et non un matou, un vrai, un pur, un tatoué ?
– Qu’est-ce que tu jacasses quand tu t’y mets ! Rien à voir ! Allez ramène tes fesses ! Lui dit Cora, avec un sourire enjôleur, tu crains rien là, enfin pas pour le moment… »

à suivre …

Par Maître Renard et Mariessourire Afficher l'image d'origine

Les Siamoises de Belleville (encore suite…)


Line poussa de la patte sa jumelle, un air de défi dans ses pupilles rondes. Cora réagit aussitôt :  

 

« Ah non alors, même pas en rêve ! Que t’aies faim, c’est pas mon problème ! Il a dit nous, pas toi ! 

 

– Ah ouais ? Parce que tu le crois en plus ? Et que tu te crois la plus canon ? Mais que dalle ma vieille ! C’est moi qu’il a regardé quand il a causé en angliche… » se pavana Line, toute à son plaisir de faire bisquer sa sœur. 

 

Edgar toussota, très gêné d’assister à cette scène mais déjà il n’existait plus à leurs yeux.  

Cora essayait en vain de raisonner Line, mais cette dernière, ravie de jouer la provocation, en rajoutait à chaque fois davantage. 

 

« Ce que tu peux être lourde, ma pauvre fille, râla Cora. Même que ça m’en frise les moustaches ! 

 

– Faut vraiment que t’ailles voir ailleurs si j’y suis, parce que là je suis très occupée » lui répondit sa sœur en se dirigeant vers Edgar. 

 

Une Line aguicheuse vint mettre la touffe qui lui servait de queue sous les babines d’Edgar, lequel se mit à rougir instantanément tout en faisant un écart. 

 

« Miss, je vous en prie, je ne suis pas celui que vous croyez que je sois ! Votre sœur a parfaitement raison, c’est vous deux que j’aime, et non l’une plus que l’autre. Vous formez un tout si délicieusement indissociable que je ne pourrais… » 

 

Edgar s’interrompit : Cora venait de sauter sur sa sœur, toutes griffes dehors ! Il put admirer la parfaite maîtrise de la technique dite « de peignée » qu’avaient les deux minettes. C’était à tel point qu’il ne pouvait plus du tout les distinguer l’une de l’autre ! Déjà qu’en temps normal, c’était difficile ! 

Des touffes de poils semblaient sauter d’on ne sait où, et les feulements de colère ne substituaient qu’aux cris de joie. 

 

« Mes beautés, je vous en prie, calmez-vous ! Essayons de miauler comme les chats civilisés que nous sommes ! » dit Edgar, voulant calmer le jeu. Mais tout ce qu’il réussit à obtenir, c’est une mêlée tourneboulée remplie de jurons qui venaient lui écorcher les oreilles. 

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Alors il se jeta dans la bataille, voulant les séparer. Il dut user de toute sa force de matou courageux, récoltant griffures et morsures. Et au moment où il s’y attendait le moins, les deux s’arrêtèrent en même temps. Elles remirent en ordre leur pelage méthodiquement, s’aidant mutuellement à coup de langue vigoureux mais ô combien tendres. 

 

Edgar vivait un cauchemar sans nom. C’est sûr, il allait se réveiller ! Rien ne se passait comme il l’avait imaginé, et même dans son imagination la plus terrible, il n’avait osé penser vivre cet enfer émotionnel. Rien n’allait plus. Elles s’étaient sévèrement disputées et là, sous ses yeux ébahis, elles semblaient se réconforter mutuellement.  

Qu’en penser ? Que faire ?

à suivre

Auteurs ? Et oui… Maître Renard et Mariessourire

Les Siamoises de Belleville (toujours suite…)


Décidément ces filles étaient un cauchemar. Mais pas seulement.  

«  Vous avez tout de même daigné vous intéresser à moi quand je vous ai demandé : « Puis-je vous être utile ? » Vous sembliez un peu perdues… 

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– Nous ne sommes jamais perdues. Nous sommes nées ici. C’est notre territoire. 

– On le connait comme les poches que tu as sous les yeux. Mais nous avons été sensibles à ta proposition. On avait peut-être un petit coup dans le nez et on est assez grandes pour nous défendre… A la limite, celui qui craignait, c’était toi…  

– Mais je suis un gentleman, vous le savez. Je vous ai invité à dormir dans mon château, mon si doux foyer.  

– C’est vrai que tu ne t’es pas moqué de nous. Nous avons roupillé comme des reines. C’est très cosy et très confortable chez toi, avec feu de cheminée et tout et tout… 

– On s’est dit qu’après tout, tu n’étais pas si cave que ça, un pauvre branque et que tu pourrais toujours resservir. 

– Trop aimable !

– Voyons, ne te fâche pas. C’était presque un compliment. Tu sais, à Belleville, il n’y en a pas beaucoup des comme toi. Nous sommes cash, directes mais il n’y a pas de malice. Enfin, ce qu’il faut… Ne pars pas en vrille à tout bout de champ… Un peu d’humour et d’autodérision, que Diable. Tu as toujours l’air coincé, rigide comme si on t’avais collé un balai dans le troufignon : détends-toi, cool, respire: on ne va pas avaler ton ronron… 

– Vous savez, je crois que vous avez raison et votre remarque m’aide un peu. Je n’arrive pas moi-même à comprendre ce qui m’arrive. C’est si étrange, si irrationnel. Même si je n’avais aucun atome crochu pour vous au début, vous avez su piquer ma curiosité et -oserai-je l’avouer?- m’attendrir, puis finalement me faire craquer. In short, I love you. Je crois. désolé. 

– Pourquoi en short ? dit Cora 

– Idiote, c’est de l’angliche. En bref, il nous aime, expliqua Line. 

– Il aime qui ? Toi ? Moi ?  

– L’une et l’autre je le crains, ajouta Edgar en baissant les yeux.  

Toutes deux se regardèrent et se mirent de conserve à pouffer de rire. 

« Ca, c’est la meilleure ! 

– Celle-là , tu nous la copieras ! »

Cora et Line se regardèrent n’en croyant pas leurs moustaches. Ce beau matou qu’elles avaient essayé d’épingler à leur tableau de chasse, était à leurs pieds. Chat alors ! Et c’est au moment où elles ne le calculaient plus qu’il se déclarait… et quelle déclaration ! 

Line poussa de la patte sa jumelle, un air de défi dans ses pupilles rondes.

à suivre…

et toujours écrit par Maître Renard et Mariessourire 😉

Les Siamoises de Belleville (suite mais pas fin)


Tout aurait pu en rester là. Tout aurait dû en rester là. Vous passiez nuitamment : je ne pouvais guère m’en formaliser. Sauf que… Sauf que je crus voir double. Ce n’était pas une ombre mais deux, ou plutôt deux fois la même ombre qui me passa sous les moustaches. Vous me vîtes sans doute mais, avec la même sorte de dédain hautain ou aristocratique, vous fîtes comme si je n’existais pas, comme si j’étais une statue plantée dans le décor, négligeable.  

 .

Vous étiez bien deux, indissociables, jumelles, siamoises pour tout dire et seul l’intensité du bleu de vos regards peut vous distinguer. Encore faut-il bien vous connaître. Et je ne vous connaissais pas du tout. Dois-je remercier le Seigneur de vous avoir mis sur ma route, pour le meilleur ou pour le pire, telle est la question ?  » 

 .

Les deux sœurs eurent un sourire énigmatique que n’aurait pas renier Mona Lisa elle-même. Elles ne voyaient pas bien où Edgar voulait en en venir mais cela n’avait guère d’importance : que cet Edgar était étrange et distrayant. Il avait l’air de débarquer d’une planète lointaine et poussiéreuse mais il valait son pesant de croquettes! 


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Edgar perçut qu’elles se moquent gentiment de lui et cela accentua sa maladresse. Un instant, il se demanda s’il devait s’arrêter là et trouver un prétexte pour rentrer sous terre ou dans le premier trou de souris venu… Las, il se décida de continuer, d’aller jusqu’au bout de son calvaire, de gravir le Golgotha et boire le calice jusqu’à la lie s’il le fallait mais il en aurait le cœur net… Quitte à se couvrir de ridicule, autant être habillé pour l’hiver… 

 .

«  Autant vous dire que votre apparition ne provoqua pas la moindre émotion non plus en moi. Enfin si… non… Ce n’est pas ce que je veux dire…  Je veux simplement dire qu’à ce moment-là votre indifférence m’indifférait ou bien que j’étais aussi indifférent que vous l’étiez à mon égard. Suis-je assez clair? » 

 .

Elles ne répondirent pas  directement, trouvant un plaisir certain à le laisser « pédaler dans la Blédine  et le Kit et Kat » suivant une de leurs expressions favorites de leur crû.  Elles se contentèrent d’un vague signe de tête qui voulait tout dire et le contraire de tout. Mortifié, Edgar se lança comme s’il devait se lancer dans le vide. Certes, il retomberait toujours sur ses pattes mais dans quel état ?  

 .

«  Vous ne m’avez même pas répondu quand je vous ai salué poliment! On aurait dit que j’étais de la pâtée pour chiens à vos yeux… 

 – C’est que nous ne parlons guère aux inconnus… On est plutôt du genre à leur donner des peignées!  Pour tout dire , nous revenions d’une soirée assez agitée et nous avions d’autres chats à fouetter… Nous étions en maraude pour nous trouver un abri ou une planque pour la nuit. Nous avions autre chose de plus urgent à faire que de compter les étoiles…  

 –  Mais je contemplais la lune bosse ! A ce propos , je vous ai composé un poème pour célébrer ce moment… Voulez-vous que je vous le déclame?  

 – Non merci, sans façon. 

– On n’aurait pas un sanglier sur le feu ? » 

.

 Le bide. Le râteau. Edgar se liquéfia davantage encore s’il était possible. Il compter les épater… Il s’était pris les pattes dans le tapis ! Mais bon, une fois à bord du Titanic, autant  jouer « La marche funèbre » sur le mode mineur… Décidément ces filles étaient un cauchemar. Mais pas seulement.  

.

à suivre

Auteurs : Maître Renard et Mariessourire

Les Siamoises de Belleville


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« J’ai une déclaration à vous faire, indiqua gravement Edgar, dans son plus soyeux costume roux, brossé avec le plus grand soin pour la circonstance. J’ai une déclaration difficile à vous faire, sans doute la plus compliquée que je n’ai jamais eu à faire jusqu’ici. Je n’ai guère l’habitude des mots.  

Vous avez beau vous-même vous gausser gentiment de moi, en faisant patte de velours, de ma bonne éducation, de ma délicatesse d’un autre temps comme vous vous plaisez à me le répéter, bref de ma maladresse, de ma timidité sans doute, de ma naïveté congénitale peut-être ; mais  ce que j’ai à vous avouer ne saurait être différé davantage. Me voici au pied du mur et de la gouttière. » 

 

Son auditoire cacha à peine sa surprise. Avec lui, on pouvait s’attendre à tout. Edgar était décidément trop chou à force d’hésitations protocolaires, de tergiversations à répétitions, d’atermoiements et de bienséance surannée. Et d’ouvrir des quinquets comme des soucoupes , de pointer les oreilles comme des radars espions pour ne pas perdre une miette après ce préambule alambiqué.  

 

« Vous n’ignorez pas combien notre rencontre fut accidentelle, imprévisible, improbable même. Jamais je n’ai imaginé rencontrer des êtres comme vous. Mon monde est délicieusement casanier, sédentaire comme si le summum de l’existence consistait à ronronner au coin d’un doux foyer. Votre monde à vous n’est qu’aventure, courses folles, vadrouilles. Mais ce soir-là, allez savoir pourquoi, je n’avais pas envie de dormir et j’allais contempler philosophiquement la lune  bosse sur la terrasse. C’est alors que je vis passer votre ombre, que je la vis glisser comme Fantômette, sans un bruit, sans même un frémissement, entre chien et loup. 

 

Tout aurait pu en rester là. Tout aurait dû en rester là.

à suivre…

Ecrit par Maître Renard et Mariessourire

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