A ce propos, elle ferait bien de nouveau un petit tour du côté de la baie vitrée quand elle aperçoit une silhouette humaine en train d’ouvrir la baie vitrée.
« Mmm, voilà quelque chose d’intéressant ! » se dit Squittie. Elle redescend du chêne branche après branche, poussée par la curiosité. Arrivée au niveau du nichoir, elle fait s’envoler une bergeronnette qui crie son mécontentement. Elle s’approche encore plus près du toit de la verrière et constate avec un plaisir non dissimulé que l’humain a disparu.
Le Prince s’est à nouveau couché sur un véritable appel au repos : un coussin rouge et moelleux. Ah, comme elle aimerait en profiter elle aussi… Elle pousse un soupir.
Mais non, elle aime sa liberté…Quelle idée a-t-elle de vouloir entrer dans une cage ! se réprimande-t-elle aussitôt. Son regard se perd sur le visage du Prince des sables.
« Quelle chance de l’avoir rencontré ! Un roi du désert ! Quand je raconterai ça à mes amies: elles vont en être vertes de jalousie ! Quelles belles oreilles! Il a ce quelque chose de troublant et de mystérieux que j’ai toujours rêvé de voir un jour…Sans compter son élégance! Cela s’entend qu’il est étranger avec sa drôle de manière de parler !
N’empêche que j’aimerais bien tenter l’aventure avec lui: il doit savoir tant de choses, continue de penser Squittie. Comme ça doit être bien de voir toutes ces contrées… Je n’ai pas osé lui demander, mais qu’est ce donc qu’un désert ? Une grande clairière ? »
Elle saute sur la véranda telle une plume mais ses griffes la trahissent car les oreilles du Prince des sables se dressent aussitôt. Il ouvre un œil et soulève une babine, comme un petit sourire d’invitation. N’y tenant plus, elle descend le long de la gouttière, comme la première fois, et s’invite la tête la première dans la baie, mais avec les pattes sur le rebord, prête à détaler.
Le Prince a l’air épuisé: des cernes assombrissent son regard doré. Il va pour se lever mais Squittie l’arrête d’un geste. Effarouchée, elle sort la tête.
« Qu’as-tu donc, gente dame ? Te ferai-je peur ? lui dit le Prince des sables.
-Ce n’est pas ça, mais tout de même, nous ne nous connaissons pas.
-Cela est fort juste. Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous apeurer. Il se trouve que vous êtes la première compagnie depuis fort longtemps et j’ai plaisir à parler avec vous. Il me semble vous connaître depuis bien avant ce présent jour béni »
A l’entendre dévoiler ce qu’elle ressent au fond d’elle depuis qu’elle a croisé ses yeux, son petit cœur fond littéralement. Elle rentre et se rapproche près de lui. Mais du bruit derrière le mur lui rappelle qu’ici, elle n’est pas chez elle et qu’elle pourrait bien rester enfermer dans cette prison dorée. Cela dit, ce n’est pas si déplaisant, ici. Un coussin douillet en lieu et place de ses feuilles, de l’eau à volonté et l’odeur des graines de tournesol l’attire inexorablement vers un petit carton. Non, il ne serait pas désagréable de rester ici, en aussi bonne compagnie.
Oui, mais, et sa liberté ? Comment s’évader si Squittie est prise et enfermée comme le Prince ? Cela n’est pas possible, non, elle veut rester libre même au prix du froid et de la famine !
– Pourquoi t’agiter ainsi, Squittie? N’aies crainte. Ici on ne te fera pas de mal. Les humains, ça ne mange pas plus les écureuils que les fennecs.
– Je crains qu’on ne s’aperçoive que la verrière n’a pas été bien fermée et que je reste coincée dans cette cage si on revient ici. Ta présence n’est pas pour me déplaire mais je ne suis pas sûr de pouvoir vivre ma vie ici. Je m’ennuierai si je ne pouvais passer d’une cime à l’autre dans ces frondaisons, si je ne pouvais courir, sauter, observer la Nature à ma guise: tu comprends?
– Je comprends. Crois bien que le désert me manque: son odeur de crème brûlée , l’air torride des après-midi, la bouffée de fraîcheur nocturne, la saveur âcre du sable blond : j’en rêve le jour, j’en frémis la nuit.
Mais je suis philosophe: c’était écrit. Si je suis ici, c’est qu’il le fallait. Je dois l’accepter. Si je suis ici, je sais maintenant qu’il y avait peut-être une autre raison: Toi. On ne se rencontre jamais par hasard. Qu’un fennec et un écureuil viennent l’un vers l’autre, c’est très improbable. Si cela est, c’est que cela devait être ainsi. J’en accepte l’augure, comme un cadeau offert par le Ciel.
– C’est une belle, une très belle et douce idée mais que faire?
– Puisque tu ne peux aliéner ta Liberté et vivre dans cette verrière à mes côtés, c’est à moi de te suivre en forêt. Tu me guideras puisque pour moi ce milieu est inconnu et sans doute dangereux.
– Oui, oui, oui, mille fois oui. Compte sur moi et allons, patte dans la patte. Je t’enseignerai la forêt et tu me conteras ton désert. Rien est impossible à ceux qui regardent l’avenir avec le coeur. Sois mon petit Prince.
– Oui, je le veux. Je le serai, Squittie. En quelques instants, tu as conquis mon coeur et mon âme. Je suis ton vassal et ton serviteur. Sortons d’ici et en route vers une nouvelle aventure, la nôtre.
C’est ainsi que Squittie et le Prince des sables sortirent de la verrière sans se retourner, le coeur léger, l’âme en fête, tout sourire.
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Auteurs : Maitre Renard et Mariessourire
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