Coup de Théâtre au Tribunal !


Dépêche du 18 décembre 2010 6h07 am :

Pierre Simon, 44 ans, l’amant meurtrier présumé de sa maîtresse de 27 ans, Annaline Dupuis, comparait depuis hier à la Cour d’Assises de Paris. Rappelons les faits : le jeudi 14 février 2008, l’inculpé a été aperçu quelques heures avant le crime en compagnie de la victime. La jeune femme a ensuite été probablement violée puis laissée pour morte dans le bois de Boulogne où elle a été découverte par un couple de joggers.

Le présumé coupable a été entendu une première fois par les inspecteurs de la police judiciaire où il a catégoriquement nié les faits. Il clame encore aujourd’hui son innocence, malgré son absence d’alibi. Mais sa tentative de suicide le lendemain de sa comparution au commissariat plaide en sa défaveur. Sa femme Sabine Simon, avait tenté de lui donner un alibi, mais elle le retira aussitôt qu’elle prit connaissance que la jeune victime était en réalité sa maîtresse. Un premier témoin a été entendu lors de l’audience publique, hier en fin d’après-midi. Il confirme la présence de l’inculpé aux bras de la victime, et précise qu’une dispute a alors éclaté sur le seuil du grand hôtel parisien, le Ritz, dispute confirmée également par le portier qui a été auditionné par la suite. Enfin, ce témoin capital précise que Mr Simon a poursuivi la victime en voiture dans les rues parisiennes. L’audience s’est arrêtée là et reprendra aujourd’hui à 9h00.

Dépêche du 18 décembre 2010 15h23 :

Le procès de l’amant meurtrier continue. Les témoins défilent sous les yeux abattus du présumé coupable qui continue de nier sa culpabilité. C’est alors que la défense a fait citer comme témoin assisté un personnage du nom de Francis Turlino, bien connu des services de la police comme étant délinquant sexuel. Cet homme aurait rencontré la jeune victime le jeudi 14 février 2008 aux alentours de 20h00. Il l’aurait emmené boire un verre, ce que la jeune femme, Annaline, aurait accepté. Lors de sa déposition, le témoin assisté se moquait ouvertement de l’amant qui d’abattu devenait vindicatif, au point qu’un rappel à l’ordre par le Président fut nécessaire. La salle étant à nouveau calme, le procès put reprendre et l’audition de Mr Turlino continuât. Il précisa qu’il trouva la jeune femme à son goût et précisa que l’amant ne pouvait être le coupable puisque lui-même connaissait le meurtrier. Ce n’est qu’à la fin d’un interrogatoire par le procureur tout comme l’avocat de la défense qu’il avoua le crime d’Annaline et le prouva par des éléments connus seulement par le meurtrier. Les jurés donnèrent bien évidemment un non-lieu à Monsieur Pierre Simon qui ce soir, ne devrait plus dormir en prison. Le dénouement spectaculaire de cette histoire tient d’un scénario de cinéma. Monsieur Simon est donc libre et pourra comparaître lors de son jugement de divorce, prévu dans trois mois. Quant à Monsieur Francis Turlino, il comparaîtra devant la cour d’assises dès que l’instruction de l’enquête sera terminée.

« Tu lis encore ces dépêches ? Mon amour, arrête de penser au passé. C’est vers l’avenir qu’il faut se tourner à présent !

– Ma Douce, tu as raison… Tu sais, je suis heureux que tu m’aies débloqué la mémoire ! C’est vrai, je vais les brûler ces articles. Tout est dans ma mémoire, tout est revenu quelques jours à peine avant l’audience. Si tu n’avais cessé de me faire cogner la tête, qui sait ce qui ce serait passé ? Peut être que je penserai encore à Sabine, elle qui s’est détournée de moi à la minute même où elle a su que j’étais celui qui était à l’origine de l’arrestation de son mari, ne me donnant que mépris et désolation… Avec toi, la vie est belle ! Tu es mon rayon de soleil, ma douce, et notre fils tiendra sûrement de toi ! »

C’est ainsi que se finit l’histoire de Nathan… qui n’est que pure fiction, je précise ! Je vous le devais bien !! Une année pour avoir finalement le dénouement, vous avez été patient !!

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Nathan : La vérité éclate toujours !


 

Dieu ce qu’elle est belle ainsi, à contre-jour, la main posée sur son petit ventre tout rond… Jamais je n’aurai pu imaginer que ma vie changerait à ce point… Rien qu’à l’idée de tout ce que j’aurai pu ne jamais connaître, tout ce que j’ai failli gâcher !

Elle se retourne vers moi et me sourit avec tendresse, puis passe près de moi, m’effleurant avec légèreté. Je la regarde marcher, une main derrière son dos. Bientôt, ce petit bout de chou sera là, espérance d’une vie nouvelle à trois.

Capucine me demande ce à quoi je pense, je souris en lui répondant à elle bien entendu. C’est comme un code entre nous, surtout depuis cette histoire d’amnésie, le tribunal. Tout ça est derrière nous à présent.

Je me souviens encore de sa présence le jour où je devais témoigner de ce que j’avais vu, présence rassurante et encourageante. Ça n’a pas été facile. Le regarder dans les yeux, voir son regard chargé de tristesse et de compréhension, et toujours ce regard porté vers Sabine…

Je me souviens de cette mise à l’écart le jour de mon témoignage, le nombre incalculable de pas que j’ai pu faire dans cette petite salle qu’ils nommaient chambre près de la salle d’audience. Je n’arrivais pas à rester assis, j’étais vraiment nerveux. Pour la première fois de ma vie, j’allais entrer dans un tribunal pour dire ce que j’avais vu et entendu. D’autres témoins étaient là, tous autant stressés que moi, certains plus calmes que d’autres. Je me souviens de ce silence qui nous habitaient tous, même si nous n’étions pas convoqués, semble-t-il, pour la même affaire. La porte s’ouvrit : « ça va être à vous, Monsieur Dupin ! ».

Je me suis levé, avec beaucoup de solennité, et ai attendu que la deuxième porte, celle du tribunal s’ouvre. Le président m’a appelé à la barre et m’a demandé de prêter serment, c’est-à-dire « de parler sans crainte et sans haine, et de dire toute la vérité, rien que la vérité », ce que j’ai fait en levant la main droite. En face de moi, se trouvaient le président et les jurés. A ma gauche, le procureur, et à ma droite, l’avocat de la défense. L’audience était publique et je sentais sur ma nuque les regards de toutes les personnes assises qui assistaient au procès de mon ancien patron, Pierre SIMON, le mari de Sabine.

« Monsieur Nathan DUPIN, pouvez-vous me dire ce dont vous avez été témoin dans cette affaire ?

– C’était le soir du 14 février 2008, un jeudi. Il devait être environ 18h30. C’était à Paris Je venais de terminer mon travail, celui que Pierre, je veux dire Monsieur Simon, m’avait demandé de faire. Je me rendais à mon appartement, mais avant de prendre le métro, j’ai voulu me détendre un peu et j’ai flâné. Je suis alors arrivé au niveau de la place Vendôme. Comme je suis célibataire, personne ne m’attendait à la maison, je pouvais prendre le temps de me promener avant de rentrer. Comme cela m’arrivait parfois, j’ai regardé en direction de l’hôtel « Le Ritz ». La porte d’entrée de cet hôtel s’est ouverte sur une jolie femme portant une mini-jupe et des talons hauts. Elle riait aux propos de l’homme qui le suivait. Cet homme, c’est Pierre, mon patron, mais la jeune femme à son bras n’était pas sa femme… Je ne l’avais jamais vue auparavant ! Sur le trottoir, ils se sont embrassés langoureusement. Puis, Pierre a manifestement proposé à la victime, cette jeune femme, de repartir avec lui puisqu’il lui montrait sa voiture garée tout près. Elle a refusé avec le sourire, puis plus fermement. C’est alors qu’ils se sont disputés. Il faisait de grands gestes, elle disait non avec tout son corps, le tapant même sur le bras avec son sac à main. Puis elle est partie à toute allure dans une rue voisine. Pierre, voyant qu’elle lui échappait, est monté dans sa voiture, a démarré en faisant rugir sa voiture, et a pris la même route qu’elle. Voilà tout ce que j’ai vu, Monsieur le Président.

– Monsieur Dupin, pouvez-vous me dire si l’homme que vous avez vu est présent dans cette salle ?

– Oui, Monsieur le Président, il est là, répondis-je en le montrant du doigt. A ce moment-là, Pierre a baissé la tête. J’ai eu le temps de voir que ses mains tremblaient.

– Pouvez-vous également dire à la cour si la jeune femme que vous avez aperçue avec Monsieur Simon, est bien Annaline Dupuis que vous pouvez voir sur cette photo ?

– Oui, Monsieur le Président, c’est bien elle.

– Bien, la parole est au procureur. »

A partir de ce moment-là, j’ai été soumis aux flots de questions tant du procureur que de l’avocat de la défense. J’ai répondu toujours avec sincérité, mais j’éprouvais un vrai moment de honte quand il a fallu que je certifie avoir prévenu la police lorsqu’Annaline avait été découverte morte dans les bois de Boulogne, apparemment violée, lors de l’appel à témoins.

Même encore maintenant, ce sentiment n’a pas disparu. D’autant plus quand la défense a sorti son joker…

33- Une promenade digestive


 

Après le déjeuner, Nathan réussit à convaincre sa famille de le laisser faire un tour dans la campagne sans autre compagnie que la sienne. Sa mère lui a juste demandé d’expliquer son itinéraire, de ne pas en sortir et de partir avec son téléphone portable tout en déplorant que ce n’était guère raisonnable.

Cela fait dix minutes qu’il marche, cherchant un peu de paix dans la nature mordorée qui l’entoure. Certains arbres sont déjà dénudés quand d’autres ont encore toutes leurs feuilles. Machinalement, il met les mains dans les poches de son jean’s et sa main droite effleure un papier plié. Il l’attrape, le déplie et le lit :

« Ma sœur chérie,

Oui, je me rappelle chaque détail de cet instant magique, elle dans sa robe bleue flottant au vent, son chignon qui menaçait de tomber à chaque pas qu’elle faisait mais qui restait mystérieusement en place.

Je me souviens de tout, de son parfum, de son grand jour où elle a su qu’elle était éditée, et de la fête qui a suivi. Je me souviens de son baiser sur ma joue, de sa peau si douce qu’elle m’attirait irrésistiblement.

Mais, ma sœur chérie, tu ne sais pas tout. Elle n’est pas que la femme de ma vie. Elle est surtout la femme de mon patron et elle ne le quittera jamais. Je le sais, elle me l’a dit.

Elle ne me pardonnera jamais ce que j’ai fait. Elle ne sait pas encore que c’est moi, elle le saura bientôt, lors du jugement.

Elle me verra alors comme un monstre, celui que j’ai été, et cette image supplantera celle du beau et sympathique jeune homme qui se mettrait en quatre pour un sourire de sa part.

Pourquoi ai-je dénoncé mon patron ? C’était vrai mais j’ai causé sa tentative de suicide qui a fait de lui cette pauvre âme misérable.

Elle ne me pardonnera jamais.

Elle ne saura jamais combien je regrette.

Elle ne saura jamais combien je l’aime, et que cet amour unique est celui que nous cherchons tous.

Pardonne-moi, toi que j’aime si fort, et tiens ta promesse, ne lui dis jamais que je l’ai aimé de toute mon âme, de tout mon cœur.

Nathan »

Ses jambes en sont coupées… Il s’asseoit, le souffle court. Dans sa tête, il lui semble que des morceaux de sa vie s’imbriquent enfin, d’autres s’éclairent d’une lumière nouvelle. Enfin, sa mémoire lui semble à sa portée. S’il n’arrive pas à tout mettre en ordre, si les quatre années dernières ne sont pas complètes, loin s’en faut, Nathan prend conscience qu’il est en train de retrouver une partie de sa vie, une partie de lui.

A la tristesse succède un moment de joie mêlé de panique. Son cœur bat fort, son front se couvre de sueur mais l’espoir vient de naître dans ses yeux.

C’est vrai qu’il travaillait pour le mari de celle qu’il chérissait, mais qu’a-t-il bien pu découvrir pour avoir à dénoncer son patron ? Aujourd’hui, Nathan a retrouvé un peu de paix, aujourd’hui, il sait que c’est normal de ne pas avoir eu de nouvelles de Sabine.

Il lève les yeux vers le ciel, heureux de ce qui vient de lui arriver. Il a encore beaucoup de questions sans réponse, d’autres qui viennent se rajouter à celles, existentielles, qu’il se pose depuis son arrivée à la demeure familiale. Comment peut-il oublier des évènements si importants dans sa vie ? La mémoire est décidément un organe bien compliqué, qui joue des tours à tire-larigot.

L’image de Capucine en train de boire un café près du bunker sur la plage lui traverse l’esprit, sans s’y arrêter. Elle est tellement différente de Sabine, si posée, si ambitieuse aussi, et tellement belle ! Mais Sabine a choisi, elle lui a préféré Pierre SIMON, un entrepreneur aussi ambitieux qu’elle. Avec les recettes de son livre prix Goncourt, elle l’a aidé financièrement. Six mois après leur rencontre, elle l’épousait, ne laissant aucune chance à Nathan. Pour rester avec elle, il avait réussi à se faire embaucher dans la boite de Pierre. Comment avait-il fait pour supporter une telle trahison ? C’est vrai qu’il ne s’était pas vraiment passé quelque chose, un bisou, un câlin, une histoire d’un soir pour elle, l’histoire de sa vie pour lui. Il avait l’impression d’avoir grandi, mûri en quelques jours. Là, près de sa famille, après deux chocs sur la tête, il arrive à prendre un peu de recul. Rien dans la vie n’arrive par hasard, non, décidément rien de rien…

Nathan et la suite de l’histoire


Croyez-vous vraiment que Nathan ait retrouvé la mémoire ?

 

Il y a plusieurs suites possibles à notre histoire :

– il a retrouvé sa mémoire, et peut-être même sa non-envie de vivre (rappelez-vous le tout premier épisode)

– il est triste car il se sent diminué, sujet aux changements d’humeur brusque, ne comprenant pas lui-même ses réactions

– le coup sur la tête l’a tellement sonné qu’il en est encore sous le choc, il ne réalise pas, tout se mélange dans sa tête d’où son air abattu

Qu’en est-il réellement ? Comment sa famille peut-elle réagir pour l’aider ?

Qu’en pensez-vous ?

32- Un foot pas comme les autres


 

Théo court dans le jardin pour aller chercher son ballon dans l’abri de jardin. Pour être content, ça, il était content ! C’est tout juste s’il ne sautait pas au cou de son oncle toutes les deux secondes !

Ensemble, ils décident que Théo serait goal pour la première partie, puis ce serait le tour de Nathan. Ils choisissent deux arbres qui feraient le but, les mêmes que ceux que Nathan prenait quand il jouait avec son père, au même âge que son neveu d’ailleurs.

Nathan envoie des balles plutôt gentilles mais se prend vite au jeu. Une balle à gauche, et Théo plonge pour faire un arrêt digne de Fabien Barthez, et plutôt bien en plus ! Une balle à droite, une au centre… le tout de façon aléatoire… Théo est un gardien de but doué et Nathan se met à envoyer des vrais ballons de foot, presque des obus ! Tous les deux prennent un pur plaisir à jouer ; ils rient ensemble, se taquinent…

Avec un score de 22 arrêts sur 30 tirs, Théo s’en sort vraiment bien. C’est à présent le tour de Nathan.

Lui se montre plus prudent que son neveu, arrêtant les balles au pied, avec les mains mais hésitant à plonger, ce qui fait qu’il encaisse 7 buts, alors qu’il reste 10 tirs à effectuer pour Théo. Son honneur étant en jeu, Nathan joue le tout pour le tout lorsque Théo envoie le ballon complètement à droite, à la limite de l’arbre. Il plonge, les deux mains vers Théo. Le ballon ne peut pas passer, il n’y a pas but. Il tombe…

Nathan ne se relève pas. Sa tête a heurté l’arbre.

Théo s’approche prudemment, certain que son oncle lui faisait encore une de ses farces, et redoutant une partie de chatouilles. Nathan a les yeux fermés.

« Tonton ? demande-t-il, interrogatif, ça va ? »

Mais son oncle ne répond pas, n’ouvre pas les yeux non plus.

« Tonton ? » le ton se fait plus inquiet. « Tonton, réponds-moi !! »

Toujours rien.

Théo se penche sur son oncle, le pousse un peu pour le faire réagir. Nathan se retrouve sur le dos, mais n’ouvre toujours pas les yeux. Alors Théo se met à crier, appelle sa mère tout en courant vers la maison. Rose sort, mais Gabriel est plus rapide qu’elle. D’un regard, il saisit le problème. Théo se jette dans les bras de sa mère :

« J’ai tué Tonton ! » sanglote-t-il.

Sa mère regarde son mari, Gabriel, qui lui fait signe de rentrer avec Théo. Il se précipite vers Nathan qui a ouvert les yeux, émergeant peu à peu grâce aux cris de Théo. Il est encore sonné, toujours allongé. Gabriel lui parle doucement, l’interrogeant sur ce qui s’est passé. Nathan regarde d’un air tout étonné son beau-frère, il est ailleurs.

Gabriel l’aide à se relever, attentif aux mouvements de Nathan. Ce dernier a un peu de mal à se mettre droit, il s’appuie sur l’épaule de Gabriel. Ils commencent à rentrer, les pas se font hésitants puis plus sûrs.

Ils passent par la porte-fenêtre du salon, le plus court chemin pour entrer à la maison. A l’intérieur, Alice, la mère de Rose et Nathan, se précipite vers Nathan, toute affolée. Nathan s’asseoit, pardon, se laisse choir sur le canapé, et se tient la tête.

Aux questions que les uns et les autres posent, Nathan répond par un mouvement de tête mais n’ouvre pas la bouche pour parler. Cela inquiète tellement sa mère qu’elle lui demande s’il peut parler. Nathan lui fait signe que oui, mais ne répond pas verbalement. Il refuse que le médecin vienne et garde son air hébété. A la stupéfaction qui se lit sur son visage, une nouvelle tristesse fait place. Ses épaules se sont courbées, comme sous le poids d’un énorme fardeau.

Enfin, il s’éclaircit la voix, avec difficulté, et demande une aspirine pour calmer les élancements qu’il ressent dans la tempe. Rose la lui apporte avec un grand verre d’eau, ainsi qu’un tube de granules d’arnica pour éviter l’apparition d’un bleu et atténuer la belle bosse qui apparaît déjà.

Il prend la parole, sur un ton grave et sérieux :

« Ne vous inquiétez pas, ça va, j’ai juste mal à la tête parce que je me la suis cognée. Mais ça va !

Et toi, Théo, ne t’inquiète pas, je vais très bien, tu n’es pas responsable ! C’est parce que je suis trop grand que je me suis cogné la tête sur l’arbre ! Je crois qu’on peut dire que tu es le grand vainqueur de notre tournoi de foot ! »

Mais la tristesse s’est abattue sur Nathan, elle a fondu sur lui comme une chappe de plomb perceptible par tous.

30- La plage, fin


 

Mon regard se pose sur la plage. Quel délicieux moment ! J’aperçois une ado qui me fait penser à Alexia, ma nièce. Elle a l’air d’avoir perdu quelque chose, ses copines sans doute ! A côté de moi, Capucine, mon ambulancière avec qui je viens de partager une petite heure, vient de terminer son « tea-time », comme elle dit. Si j’avais toute ma mémoire, je dirais que ce moment est merveilleux, comme il en arrive parfois dans la vie, si peu souvent… Je dirais même que la douceur et l’harmonie du lieu, de Capucine aussi, place ce moment en tête de ma vie, comme celui où j’ai rencontré Sabine. Je ne peux m’empêcher de soupirer, ce qui intrigue aussitôt ma … J’allais dire : compagne !! Ciel !

L’ado se rapproche de notre bunker, mais… C’est Alexia ! Elle n’a pas l’air de bonne humeur, plutôt contrariée même !!

« Tonton !! On te cherche partout !! C’est pas la panique là-bas, mais presque !!

– Oh ça va, jeune fille ! Je n’étais pas perdu, tu le vois bien, répondis-je amusé.

– Je dirai même en bonne compagnie, me dit-elle en jetant un regard appuyé sur Capucine. Bon tu viens ? Ou pas ? Maman est super inquiète !

– Le jour où ta mère ne sera pas inquiète n’est pas encore arrivé… J’arrive, tu peux le dire à tes parents.

– Ouais, ça marche !

– Alexia ? On ne dit pas ouais !! lui souris-je, toujours amusé.

– Oh, ça va, hein ? Tu peux parler, toi !! Déjà que j’ai été obligée de raccrocher avec mon ami pour te chercher !

– Ami I ou IE ? la taquiné-je. Ne répond pas… Je ne dirai rien à ta mère ! »

Alexia hausse les épaules et s’en retourne, portable en main, et commence à textoter tout en marchant. Capucine me regarde, amusée elle aussi. Je me lève, lui tend la main pour l’aider à se relever, ce qu’elle refuse. Alors je m’accroupis, la regarde dans les yeux et lui fais la bise, sur la joue. Elle porte un secret en elle, elle aussi. Cela se voit. Mais aujourd’hui, je ne veux pas de choses tristes, seulement de belles choses à garder pour les soirées d’hiver. Tiens, cela me fait penser que j’ai quelque chose d’important à faire dans quelques temps. Je plisse le front, cherchant à connecter tous les neurones possibles. Hélas, cela m’échappe encore… Peut-être que ma sœur le sait, elle !

Je me redresse, regarde l’horizon une dernière fois. Allons, il est temps de rentrer.

« A mardi ! me lance Capucine

– Mardi ? demandé-je, estomaqué.

– Oui, mardi matin, je viens vous chercher pour votre rendez-vous chez le docteur Marc Fontaine, me dit-elle sérieusement, mais avec un petit sourire quand même.

– Oh ! J’avais oublié…

– C’est bien pour ça que vous allez le voir ! C’est un spécialiste de la mémoire, il est très doué, vous savez !

– Non, je ne le sais pas, lui répondis-je amusé, mais ça tombe bien !! A mardi, alors ! »

Elle ne me répond pas mais m’adresse un petit salut de la main, accompagné d’un vrai sourire cette fois-ci. La perspective de la revoir ne me déplait pas du tout, bien au contraire. C’est assez curieux, ça ! La dernière fois que ça m’est arrivé, c’était avec Sabine ! Pourtant, j’ai des sentiments très forts pour Sabine, ça, je ne peux en douter. Capucine est vraiment sympa, je l’aime bien, cette fille ! Oui, je l’aime bien, c’est le mot !

Grand-Père ? Tu veux bien raconter encore quand t’étais anémzik ?


“Grand-Père ? Dis, tu veux bien raconter la suite ? Je ne pourrais pas m’endormir sinon… S’il te plait…

– La suite ? Mais quelle suite ?? demandé-je, surpris et amusé par sa demande.

– Mais tu sais bien !! L’histoire que tu as commencée aux dernières vacances… supplie-t-elle.

Ma petite fille me regarde d’un air tellement… “bambi”, comme dirait sa mère, que je ne peux pas résister à la taquiner davantage !

“Ah bon ? Je n’avais pas terminé mon histoire ? Mais de quoi parlait-elle ?

– Mais tu sais très bien ! C’était quand tu étais “anémzik” !

– Amnésique, Poupinette, c’est comme ça que ce mot se prononce. Donc j’étais amnésique et ? Tu vois, je dois l’être encore, car je ne sais plus où j’en étais dans l’histoire… Tu te rappelles, toi ?

– Ben oui, quand tu avais traversé sans regarder parce que ton amoureuse, elle en aimait un autre et puis t’avais été à l’hôpital et là, pouf, tu te rappelais plus, et puis après, t’étais rentré à la maison avec GranTatie, et Mémé. Et puis, t’étais allé à la plage, et là, t’avais parlé avec une fille sur la plage et que t’avais bu un café avec elle. Dis, c’était Mamounette, cette fille ?

– Tu le sauras plus tard, si c’était elle, ou pas, petite curieuse, dis-je amusé. Donc on en était au café, sans sucre tu te souviens ?”

 

Et vous ? Vous en rappelez-vous ? Le dernier épisode se trouve là : https://mariessourire.wordpress.com/2011/06/24/la-plage-3me-partie/ et vous pouvez retrouver toute l’histoire en cliquant à droite dans “Catégories” sur “Nathan, Capucine et les autres dans : Ne lui dis jamais que…”

Comme Poupinette, voulez-vous une suite ? LA suite ?

27 – La plage, première partie


Assis sur le sable, mes yeux tournés vers le soleil mais cachés derrière mes lunettes noires, j’apprécie ce moment salé et revivifiant. Le sable est fin mais froid entre mes doigts. Le vent souffle et fait voler les nuages dans une danse sans fin, mêlant rythme endiablé et douceur tranquille. Le ciel n’est peut-être pas aussi bleu qu’en été, mais j’aime me retrouver là.

L’océan se jette avec fracas sur la plage qui est bien loin d’être abandonnée. Quelques promeneurs laissent leurs traces, quelques amoureux s’enlacent fougueusement. La musique des vagues est envoûtante. Je voudrais me laisser aller…

Je n’arrive pas à retrouver ma bonne humeur. Il me semble qu’elle s’en est allée avec Morphée et qu’elle ne reviendra plus. Je sais bien que je suis détestable aujourd’hui mais c’est surtout parce que la tristesse a pris d’assaut mon cœur et mon âme.

Toujours mes questions sans réponse… Que de doutes, que de doutes…

Je pousse un énorme soupir, bien malgré moi. Rosie me regarde avec autant d’inquiétude que de compassion. Elle veut me prendre la main, mais déjà, je suis debout. Je ne veux pas de cet amour teinté de pitié, ni de cette tendresse qu’on peut avoir quand on est avec un grand malade.

Je ne suis pas malade, c’est le monde qui est malade !! Pourquoi m’a-t-on volé mon passé ? Pourquoi suis-je là, à vivre cette vie amputée de quatre années que chacun a vécu mais pas moi. Je venais d’avoir 28 ans, j’en ai 32 ans à présent. Et je dois vivre comme si de rien n’était !! Comment est-ce possible que personne ne comprenne ce que je ressens ? Comment me vouloir toujours souriant ? Où sont passées ces années qui me manquent tant, qui me manquent autant que si l’on m’avait coupé les deux bras ? Que s’est-il passé que mon inconscient ait préféré effacer ? Et Sabine dont personne ne me parle et qui ne donne pas signe de vie… Il faut que je l’appelle !

J’attrape mon portable, cherche son numéro mais je ne le trouve pas. Quel est-il déjà ? Allez mon vieux, rappelle-toi, tu l’as fait tant de fois… 06 ? 06.14 ? Ah oui, ça y est ! Mes doigts retrouvent naturellement sans que j’ai besoin de le dire. J’approche le téléphone de l’oreille. Voilà, une sonnerie !

Il n’y en aura pas deux… J’entends d’abord une mélodie affreuse, puis une voix impersonnelle et métallique m’annonce que ce numéro n’est pas attribué…

Tout se combine pour que je ne retrouve pas le début d’un fil pour démêler cette mémoire toute embrouillée. Peut-être que ma mémoire est réellement effacée, formatée même ? Non, ça non, ce n’est pas possible !! Je sens la panique revenir, telle une boule furieuse qui réclame sa pitance, une boule qui se loge dans mon ventre, dans ma gorge. Il faut que je retrouve mon histoire ! Je dois comprendre, il faut que je comprenne ce qui m’arrive.

Une vague se forme, plus grosse que la précédente, et éclate dans un vacarme qui me ramène à la plage, cette plage où j’ai fait mille et mille châteaux de sable tous plus grands et plus beaux les uns que les autres, et qu’inlassablement, l’océan venait détruire après les avoir chatouillé, humé, léché…

Rose a eu une vraie bonne idée que de nous proposer un tour sur la plage, cet après-midi. En face de la nature, en face de cet élément incontrôlable qu’est l’océan, je me sens réintégrer ma peau.

Je pose ma veste près de ma famille, et m’éloigne, tranquillement. Mes pas se font plus rapides, mes jambes veulent se dérouiller. Alors je me mets à courir, sans penser à rien, à petites foulées. Je me dirige vers le sable mouillé où la course se fait plus facile et plus rapide. Cet instant est magique, une vraie pause dans cette vie de fou que je mène depuis quelques jours. A ma gauche, la terre. A ma droite, la mer. Je suis au milieu. Je suis où je dois être.

Je n’ai plus de doutes, je me reconnais, je suis moi quand je cours. Je me concentre sur ma respiration. Inspirer sur un temps, expirer sur deux temps… Allonger la jambe… Mon corps se souvient de ce temps où je courais dans les rues de Paris tous les soirs pour évacuer le stress de la journée. Tout se remet en place. Un pas, puis un autre, plus vite encore.

Mon regard est attiré par un chien qui court à toute allure vers l’eau, la laisse pendant derrière lui. Il se jette dans la première vague et là, le choc !

Je me retrouve les fesses par-terre, les coudes sur le sable, et les pieds en l’air. Et derrière mes pieds, une figure toute ébouriffée, toute rouge. Elle se tient la tête d’une main, et murmure :

« Je suis désolée, je regardais un chien qui courait et je n’ai pas regardé devant moi !

– Excuse accordée si vous m’aidez à me remettre sur mes pieds », dis-je en râlant pour la forme.

26- Un nouveau jour


26- Un nouveau jour

Le jour est déjà levé, j’entends les oiseaux chanter. Ça fait du bien d’être au calme ! Tiens, on a changé le papier-peint de ma chambre ? Quand donc ? En plus, du bleu ! Mais ? Je ne suis pas à la maison ?

Je me lève d’un bond, ouvre les persiennes et me rappelle aussitôt : je suis chez les parents. Je ne sais pas ce que j’y fais, mais j’y suis ! Dans le jardin, des rires d’enfants se font entendre. Je suis un peu largué là !

Je baille et m’étire jusqu’au bout des doigts devant ma fenêtre ouverte, comme quand j’étais ado et que ma mère me houspillait et m’assurait que j’allais tomber malade avec tout ce froid sur ma poitrine.

Je referme la fenêtre. J’ai bien dormi, mais je me sens las, comme si je portais un fardeau si lourd qu’il m’empêche d’avancer. Ah oui, Papa…

Je m’habille, enfin, il serait plus juste de dire que j’enfile les trois trucs qui me viennent sous la main. Je descend dans la cuisine avaler un café. Rosinette est là, son Gaby aussi. Les rires des enfants sont donc ceux de mes neveu et nièce. La cuisine est pleine d’odeurs que je trouverai alléchantes en temps normal, mais qui ne me font ni chaud ni froid à ce moment précis. En fait, j’ai juste envie de boire quelque chose de chaud, et basta !

J’attrape un mug, le remplis sans faire de faux col et y met un morceau de sucre. Je déteste le café non sucré, bien trop amer à mon goût. J’avale une gorgée, il est un peu chaud, il est un peu trop clair, il est.. En fait, cela n’a aucune importance ce qu’il est ou pas.

Mon café terminé, Rosie me demande comment je vais. Je n’ai pas envie de lui répondre, alors je me contente de la regarder.

Je sors de la cuisine, attrape une veste et m’en vais dehors. J’ai besoin de marcher, de prendre l’air. J’ai l’impression d’être enfermé depuis des éternités. Je veux retrouver un peu de liberté. Je veux qu’on me laisse tranquille.

Gabriel me rejoint pour me demander si je veux bien l’accompagner chercher du pain, il ne se souvient soi-disant pas de la route.

« Ne me raconte pas n’importe quoi ! Dis-moi plutôt : je suis en liberté surveillée, c’est ça ? Pas le droit de sortir seul ? »

Gabriel me regarde gravement et opine de la tête.

« Ce serait préférable, tu ne crois pas ? Tu as un peu la tête à l’envers !

– La tête à l’envers ? Je ne comprends pas de quoi tu parles là !! En plus, ça m’agace !

– Tu m’accompagnes ? Il ne faudrait pas trop tarder, sinon on aura du pain trop cuit, tu connais la boulangère !

– LA boulangère ? Tu dérailles mon vieux, ça a toujours été un boulanger ! Il ne doit pas être bien loin de la retraite d’ailleurs !

– Oui, LA boulangère… Ton boulanger est parti à la retraite il y a déjà trois ans. Tu vois maintenant de quoi je parle quand je dis « Tête à l’envers ? »

– A la retraite, répétè-je pensivement. Bon, allons-y ! Tu n’as pas déjà sorti la voiture ? »

J’ai l’impression de prendre des coups à chaque parole que je prononce. J’en ai bien marre. J’avance jusqu’au portail, Gabriel me rattrape avec sa voiture. Il m’ouvre sa portière, je grimpe à l’intérieur.

Le trajet jusqu’à la boulangerie se fait dans le silence. Je ne suis pas d’une compagnie très agréable, je le sais bien, mais je n’ai aucune envie de me montrer charmant et avenant.

Je reste dans la voiture pendant qu’il va chercher le pain, et en profite pour mettre la radio. Et voilà, même à la radio, je n’entends que des chansons inconnues. Quelle claque ! Je crois bien que j’espérais retrouver enfin quelque chose de cohérent, de connu, un repère rassurant. Il n’y a rien qui n’ait changé. Tout semble identique mais tout n’est qu’illusion car tout est différent.

Ça me fatigue, ça m’use. Je ne me retrouve pas dans cette vie-là. J’ai 28 ans et toute la vie devant moi. J’ai 28 ans ! Je ne veux pas croire autre chose. Je sais quand même qui je suis ! Pourquoi ai-je l’impression d’avoir perdu un chapitre entier de ma vie ?

Je sors de la voiture. De nouveau, envie de fumer. Je fais quelques pas, histoire de me calmer un peu. J’ai même envie de rentrer à pied. Après tout, quatre kilomètres, ce n’est rien ! Qu’est ce qu’ils ont à faire toute une histoire autour de moi ?

Et voilà que j’ai mal à la tête. Encore. Il m’a pris par surprise. Lancinant.

« Nathan ? Que se passe-t-il ? Tu es tout blanc ! me dit Gabriel.

– Rien, ça va très bien ! Tu ne peux pas me lâcher un peu, là ?

– Ok, mec, je n’ai rien dit ! Au fait, tu as le bonjour de Lucie !

– De qui ?

– Lucie, la boulangère ! Elle s’étonne que tu ne sois pas venu lui dire bonjour. Alors je lui ai dit que..

– Tu lui as dit quoi ? Que j’ai la tête à l’envers, c’est bien ça ? Vas-y, raconte ma vie à tout le monde ! Ici, c’est un tout petit village, rien ne se sait, hein ? Aucun ragot… Le plus beau des mondes !

– Eh bien dis donc, tu es plutôt énervé, ce matin ! Et ça ne te ressemble pas vraiment ! On dirait que tu cherches la dispute ?

– Je voudrais bien t’y voir, grommelé-je.

– Allez, viens là, beau-frère, rentrons à présent. C’est bien mieux pour tout le monde, surtout que je ne voudrais pas dire, mais on te regarde là ! »

Je remonte dans la voiture, mais n’ouvre plus la bouche. Je ferme les yeux. Oui, j’en ai bien marre. Je voudrais reprendre ma vie normalement. Je voudrais ne pas être là où je suis, à cette place qui n’est pas la mienne. Juste être moi dans la vie qui est la mienne. A ma place, quoi !

25- Un petit tour et puis revient !


 

Une fois au rez-de-chaussée, j’enfile mes chaussures le plus discrètement possible, je marche sur la pointe des pieds. Je ne veux réveiller personne. J’ai besoin de prendre l’air.

Trop, c’est trop. Sabine n’est pas là, je ne sais rien d’elle, je ne comprends pas pourquoi elle ne vient pas. Et Papa qui est mort… J’ai besoin d’oxygène. J’ai le cœur qui bat fort, trop fort sans doute, et je crois bien que ce fichu mal de tête va revenir.

J’ouvre doucement la porte d’entrée qui, par miracle, ne grince absolument pas. Pourvu que le gravier ne me trahisse pas ! Enfin j’atteins la pelouse qui atténue le moindre bruit de mes pas. Il ne me manque qu’une lune pleine pour bien voir, mais je connais le jardin par cœur. Lui n’a pas changé, les rosiers sont à la même place, le vieux chêne n’a pas bougé… et juste à côté de lui, la tonnelle.

Sa tonnelle. Celle qu’il a faite de ses propres mains. Je m’y installe avec autant de plaisir que de tristesse. Il me semble que c’est là, à cet endroit précisément, qu’il m’est le plus proche. Nombre de ses discours pour me préparer à la vie, comme il disait, c’est là qu’il me les a dit.

Je caresse avec tendresse le bois qu’il a si soigneusement poncé puis vernis, pour que nous, ses enfants, nous ne y blessions pas. La courbe harmonieuse du « toit » s’est vu offrir glycine et vigne vierge qui ont pris tout leur aise à présent. Je ramène mes pieds sur le banc et mets mes mains autour de mes genoux. Il n’aurait pas été d’accord, il n’a jamais été d’accord. Mais qu’est ce que ça change, maintenant ? Je ne verrais plus son sourire briller jusque dans le fond de ses yeux. Je ne verrais pas plus ses mains de travailleur que j’adorais tenir, tout gamin, me sentant protégé par l’homme le plus fort au monde que je connaissais.

Un soupir s’échappe malgré moi de mes lèvres. Je regarde le ciel, espérant voir une étoile briller un peu plus fort, espérant que cette étoile soit un coucou de mon père.

« Je savais bien que je te trouverai là !

– Maman ? Mais qu’est ce que tu fais dehors ?

– Je te retourne la question !

– J’avais besoin de me sentir le plus près possible de Papa, il n’y avait qu’ici où…

– Je te comprends, mon petit, moi aussi au début, je suis venue souvent sous la tonnelle. »

Maman ne dit plus rien et s’assied près de moi. Je n’ai pas envie de parler non plus, mais ça fait du bien de l’avoir près de moi. Je me sens moins seul, un peu apaisé. Je n’éprouve pas un chagrin ravageur, ni une espèce de détresse sans nom, mais juste un grand manque, un énorme vide. Je me sens amputé d’une de mes racines, une de celles qui me tenaient bien droit.

Je sens ma mère frissonner. C’est vrai, il ne fait pas bien chaud dehors, surtout avec ce ciel si étoilé. Je mets l’écharpe que j’avais emportée autour de son cou, avec tendresse. Je sens ma mère si fragile à présent.

« Viens, rentrons, je vais te faire une tisane, lui dis-je.

– Ce serait à moi de te la faire, vu les circonstances, mais j’accepte avec plaisir. »

Elle m’attrape le bras droit ; je l’aide à se relever. Nous marchons d’un même pas, lent, triste, mais ensemble. Je voudrais que ce moment dure encore un peu, ce moment d’intimité et de communion, comme nous en avions autrefois si souvent. Nous contournons les rosiers. Au premier étage, une lampe s’allume, les graviers nous ont trahi ! Nous voici à la porte, mais celle-ci s’ouvre déjà. Gabriel a l’air étonné tout autant que soulagé.

« C’était vous ?

– Non, c’était le chat du voisin ! » répond ma mère en souriant.

Elle ôte mon écharpe, son châle et le suspend au porte-manteau. Je suis le dernier à entrer dans la maison, voulant profiter encore un peu de la présence de la nuit. Je lève les yeux encore une fois vers le haut. Une étoile filante passe en un éclair, illuminant un bout de ciel… Là, j’en suis sûr, c’est un signe que m’adresse mon père.

Je lui en suis reconnaissant et me sens soulagé, un peu bête aussi. Qui pourrait croire une chose pareille ?

Je rentre dans la cuisine, l’eau est déjà en train de chauffer dans la bouilloire. Gabriel a pris les choses en main. Les tasses sont prêtes à recevoir le breuvage qu’on voudra bien y boire. Il me suffit de préciser celui qui me fait envie.

« Une verveine-menthe ? dis-je

– Un tilleul-citron ? me répond-il avec un clin d’œil.

– Comme tu voudras !

– C’est qu’en fait, il n’y a plus de verveine-menthe… J’ai pris la dernière, dit ma petite mère. Mais si tu la veux…

– Non, tilleul-citron, ce sera parfait ! »

La nuit vient de commencer. Elle ne sera pas aussi triste que je l’imaginais. La chaleur de ma famille y aura contribué. Parce que sans ma famille…

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