La «chiffonnière» du Caire
«Si tu veux vivre, tu dois aimer.»
«J’attends de Dieu qu’Il me donne l’humilité
pour accepter ce qui ne peut être changé,
le courage pour changer ce qui peut l’être,
et la sagesse pour distinguer l’un de l’autre.»
«Partout et toujours, cherche sans te lasser le remède qui soulage, sème l’espoir : ça vivifie et ton amour peut faire des miracles.»
«On ne possède pas le bonheur comme une acquisition définitive. Il s’agit à chaque instant de faire jaillir une étincelle de joie. Ne l’oublions pas : "Souris au monde et le monde te sourira."»

En 1980, soeur Emmanuelle fonde Asmae – association sœur Emmanuelle. Cette organisation non gouvernementale, laïque et apolitique propose des programmes d’éducation et de santé aux plus démunis. Plus de 70 000 personnes ont aujourd’hui bénéficié de son soutien à travers le monde.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur
http://www.asmae.fr/
SOEUR EMMANUELLE – LE COEUR ET L’ESPRIT
Face à la caméra d’Elisabeth Kapnist, soeur Emmanuelle se raconte et dit tout de son engagement auprès des plus pauvres, notamment dans les bidonvilles du Caire. De la petite fille meurtrie par la mort de son père à l’adolescente qui ne pensait qu’à s’amuser, puis à la religieuse qui dresse aujourd’hui le bilan de son existence, ce film intimiste brosse le portrait d’une femme transcendée par son amour pour Dieu.
"Si, sur la Terre, tous les hommes étaient riches ou tous les hommes étaient pauvres, il n’y aurait pas d’objet de révolte. Mais ce qui est contraire à l’être humain, c’est que les uns sont parfois d’une richesse incroyable et que les autres n’ont rien. Ça, ce n’est pas possible. Il y a là quelque chose qui, en soi-même, appelle à la révolte.
La vie est un risque. Si tu n’as pas risqué, tu n’as pas vécu. Ce n’est pas possible. (…) Dans ma vie, j’ai toujourschoisi le risque, et c’était passionnant. Parce que le risque vous lance. Et vous permet, et vous demande le combat.
Ma mère était une jeune femme de 30 ans quand mon père s’est noyé, sous mes yeux. Moi, je n’avais pas encore 6 ans. Ça m’a fait un choc. Je pleurais tout le temps après. Mais j’ai vécu dans une famille sereine, gaie. Ma mère était très gaie. On était bien chez nous. On était heureux.
Quand j’étais jeune, je ne pensais qu’à m’amuser, qu’à danser, qu’à aller au cinéma, au théâtre… J’aimais beaucoup voyager. J’habitais Bruxelles, j’allais à Paris chez mes tantes. Je m’amusais, j’allais danser. Et après ? Et après, il y avait le trou. Je n’arrivais pas à combler ce trou. Or, il y avait une partie de moi-même (…) avec un désir éperdu de sauver, d’aider, de remettre sur pied. Et, d’autre part, un désir éperdu de m’amuser sans m’occuper de personne que de moi-même. Il fallait se décider entre les deux. Heureusement, j’ai prié et j’ai dit : "Seigneur, aide-moi. Moi, je ne m’en sors pas." (…) J’ai appelé et j’ai eu le courage un beau jour de dire : "Je m’en vais !" Je m’en vais vers quoi ? Je ne savais pas encore, mais j’étais vers l’autre.
Qu’est-ce que ça veut dire de vivre dans un bidonville, au milieu de la saleté, des cochons noirs, des chiens sauvages, des puces, des cafards qui courent partout ? Puisque eux le supportaient, moi je devais le supporter.Je ne suis pas meilleure qu’eux. C’est ça que je voulais d’abord faire : leur faire comprendre que j’étais leur soeur. Donc, je n’allais pas arriver le matin et puis, "Bye bye !", m’en aller le soir dans une maison beaucoup plus confortable. Il fallait qu’ils sentent qu’ils étaient des hommes, qu’ils avaient une dignité très grande – c’étaient des fils de Dieu -, et que si moi je venais partager leur vie, c’était que leur vie avait sa valeur.
(Chez les chiffonniers) j’ai beaucoup appris le jour où je me suis arrêtée. Je me suis dit : "Emmanuelle, tu es mal partie ! Tu arrives triomphante, tu veux apporter toutes tes richesses à toi, mais, mon Dieu ! ils en ont tout autant, peut-être même plus que toi, mais dans un autre genre."
Aujourd’hui que je vis loin des bidonvilles, je m’interroge. Qu’est-ce qui, là-bas, pouvait expliquer cet incroyable sentiment de bonheur qui m’animait ? Je crois que c’était le fait d’avoir rompu avec toute espèce de privilège.
– Est-ce qu’on comprend un problème comme la faim ?
– Non, on ne comprend pas. On ne peut pas comprendre. Quand on a trop, on ne peut pas comprendre ceux qui ont moins. Ce n’est pas possible parce qu’on est comblé. On est trop comblé.
La prière, c’est ça : un coeur à coeur, finalement. C’est quelque chose qu’on ne peut pas décrire parce que c’est au plus intime du plus intime du plus profond de l’être humain, de son identité propre. C’est comme une aspiration. J’aspire le Seigneur, j’aspire Son amour, j’aspire Sa bonté, j’aspire Son indulgence. Je Le respire et, finalement, je n’ai plus qu’à L’expirer. Et ça donne à la vie quelque chose d’extraordinaire.
– Qu’est-ce que c’est, l’éternité ?
– Allez demander ça à Dieu plutôt qu’à moi ! Pour moi, l’éternité, c’est s’enfoncer de plus en plus dans un abîme d’amour. Y pénétrer toujours davantage, et comme c’est un abîme infini, l’éternité ne suffira pas pour pénétrer toujours un peu plus dans la vision de Dieu.
(Durée : 52′ ; Auteure-réalisatrice : Elisabeth Kapnist ; Production : France 5 / Les Bons clients / INA
Année : 2007)
