La taille du gibet

On raconte qu’un maçon construisait un petit pont, ou plutôt une passerelle à peine haute d’un mètre soixante. Il était juché sur son ouvrage, en train de travailler, lorsque vient à passer une jeune femme dont la démarche gracieuse évoquait le pas de la gazelle. Elle était vêtue d’une robe rose, transparente sous les rayons du soleil, qui soulignait délicatement la finesse de sa taille. Le maçon en oublia son travail, et, se retournant pour la suivre des yeux, il perdit l’équilibre, se cassa le cou en tombant et mourut sur place. Son dernier regard fut pour la ravissante apparition.
La femme du maçon qui arriva avec le déjeuner de son mari porta plainte contre la jeune femme à la robe rose. Karakoch jugea la jeune femme et la condamna à être pendue sous le pont même que le maçon était en train de construire.
-Mais ce n’est pas ma faute ! cria la jeune femme, c’est la faute du vendeur qui m’a vendu ce tissu.
-Tu as raison, femme, rentre chez toi ! Et que l’on m’amène le vendeur.
On fit venir le vendeur.
-Homme, nous te condamnons à mort parce que le tissu que tu as vendu a causé la mort du maçon.
-Mais c’est pas ma faute ! C’est la faute de celui qui l’a fabriqué.
-C’est juste. Retourne à ton magasin et que l’on aille chercher celui qui a fabriqué le tissu.
On alla quérir le tisserand.
-Tisserand, tu as causé la mort d’un homme ! Alors prépare-toi à mourir.
-Mais c’est pas ma faute ! Ce tissu est tellement fin qu’il devait être teint en noir et c’est le teinturier qui a choisi de le teindre en rose.
-C’est vrai. Par Dieu ! Que l’on saisisse le teinturier.
Le teinturier se présenta. Il n’avait pas d’excuse et on le tira jusque sous le pont pour le pendre. Mais l’homme était très grand et le pont était si bas qu’il fut impossible de lui passer la corde au cou.
Quand on rendit compte à Karakoch il se mit en colère :
-Mais trouvez-donc un homme qui soit de la taille du gibet, bande d’incapables !
On chercha, on mesura, et le premier homme qui mesurait moins d’un mètre soixante fut conduit sous le pont et fut pendu.
Lorsque sa femme, en pleurs, vint demander pourquoi c’était lui qui avait été choisi, on lui répondit :
-Parce qu’il a la taille du gibet.

14 Commentaires (+ vous participez ?)

  1. telavivcat
    Juil 03, 2012 @ 10:24:31

    un raisonnement dénué de bons sens comme beaucoup de raisonnements hélas !

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    • mariessourire
      Juil 03, 2012 @ 10:33:34

      oui, c’est exactement ça ! ce n’est que de la réflexion inutile sans se servir de son coeur et de son bon sens comme tu le dis si bien !
      quel dommage d’en arriver là…

      à toi belle belle journée, Yaël !
      mille bises
      sourire

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  2. Biche
    Juil 03, 2012 @ 12:14:06

    Dans la société actuelle, nous prenons le même chemin : il faut toujours trouver un coupable. Et les gens (je pense surtout aux médecins chirurgiens et /ou obstétriciens » sont obligés de prendre des assurances de plus en plus chères. Ce qui entraine des tarifs de plus en plus élevés pour leurs patients, leurs cliniques.

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    • mariessourire
      Juil 03, 2012 @ 12:17:51

      ya les médecins, mais ya aussi tous les autres : les profs, … et nous autres au travail !
      oui, nous avons pris ce chemin depuis longtemps : nous avons obligation de résultat quoiqu’il en coûte, c’est la conséquence d’une société qui vit du système financier, rentabilité avant tout voilà son credo
      on voit où ça nous mène…
      soupir

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  3. Biche
    Juil 03, 2012 @ 13:02:51

    Soupir aussi….
    Bisous quand même !

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  4. colettedc
    Juil 03, 2012 @ 16:41:08

    … c’est bien ça …oui, il faut trouver un coupable … hélas ! …

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  5. giselefayet
    Juil 03, 2012 @ 22:57:54

    Excellente façon d’expliquer la course au coupable .
    Dans notre société aussi , la faute est recherchée systématiquement maintenant bientôt les procès seront intentés comme aux Etats Unis , d’ailleurs la peur commence à régir bien des actions , le système de précaution devient de plus en plus contraignant .
    Resoupir
    Bisous

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    • mariessourire
      Juil 03, 2012 @ 23:15:11

      oui, c’est exactement ça ! il y a encore 20 ans, on pensait qu’on n’arriverait pas à faire comme les américains, mais en vérité, tout ce qui se passe aux usa arrive un jour ou l’autre dans notre pays, le bien, comme le mal (regarde aussi le phénomène des gangs en région parisienne…)
      c’est bien triste tout ça
      re re soupir
      bisous ma belle Gisèle !

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  6. Fr@ne & @l ~~ Mouette & @lbatros
    Juil 05, 2012 @ 20:12:50

    Il faut se méfier de bien des choses ! Bises

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